Résidence "Patrimoine et création" #3
"PIÉDBWA", l'Arbre Manifeste
Une installation de Kako31 octobre 2020 - 4 avril 2021
Musée Léon-Dierx,
du mardi au dimanche de 9h30 à 17h30
Commissaire de l’exposition :
Colette Pounia, théoricienne de l'art
Cette exposition est l'aboutissement du travail réalisé dans le cadre de la troisième édition du dispositif initié en 2018 par le Département de La Réunion, intitulé Résidences « Patrimoine et création ».
Cette mesure de soutien à la création artistique et de valorisation du patrimoine consiste à faire dialoguer les collections des institutions culturelles de la collectivité avec la création contemporaine sous toutes ses formes.
À l’occasion de cette troisième édition, un artiste plasticien réunionnais, Kako, a été choisi pour mener un projet artistique au musée Léon Dierx. L'artiste nous livre le résultat de ses réflexions sur la symbolique de l’arbre dans le rapport des hommes à la nature et à la dégradation de notre environnement.
Dans l’espace du musée transformé en forêt, Piédbwa, l’arbre manifeste est une installation qui invite le public à arpenter des forêts transfigurées et à découvrir ses processus de création mêlant peinture, dessin et sons. Kako nous confronte constamment à la recréation de paysages, voulant nous alerter du choix urgent à faire entre détruire la Nature et protéger le Vivant.
L'arbre, objet transitionnel
Le « piédbwa », l’arbre en créole réunionnais, traverse l’œuvre de Kako depuis le début de son parcours artistique. Il s’agit pour lui d’un objet transitionnel qui le relie à la nature et au monde.
Cette présence, rassurante au départ, est devenue aujourd’hui source de nostalgie et d’anxiété. Kako s’interroge sur la relation entre l’Homme et la Nature nous alertant sur les menaces qui pèsent sur elle. Comme le dit Léon Dierx dans un de ses poèmes déclamé à l’entrée de l’exposition, ces symboliques arbres « Seront-ils toujours là quand nous disparaîtrons ? ».
Dans ce contexte, germe chez cet artiste écologiste l’idée de revivifier le piédbwa mort. Il peint et dessine des forêts et reconstruit des arbres pour exprimer ses craintes et ses espoirs. Chacune des œuvres qui composent cette exposition évoque à la fois la mort et la renaissance.
Le Crépuscule des Dieux
Forêt d’hiver, à l’entrée de la salle, installation de troncs brûlés provenant du Maïdo, et les Arbres carbone, polyptyque dessiné à l’aide de charbon de bois de tamarin fabriqué par l’artiste, rappellent la capacité de l’arbre à capter le carbone et de restituer l’oxygène que nous respirons.
Ces deux premiers éléments constituent la source d’inspiration et l’étude préparatoire du grand polyptyque peint intitulé Le Crépuscule des Dieux.
Vision d’une forêt imaginaire blessée par un incendie qui s’éteint, cette œuvre peut se voir comme symbolique de la fin d’un monde ; l’expression traduite dans des tons de bleus tourmentés et froids d’un cri de douleur de la Nature et de l’artiste.
Piédbwa
Piédbwa, arbre grandeur nature reconstitué à partir de fragments de tamarins des Hauts, s’étale devant Le Crépuscule des Dieux, comme surgi de ce polyptyque.
Les rondins, assemblés entre eux par des « vertèbres » métalliques, évoque l’Arte Povera, l’art pauvre, juxtaposant des matériaux sobres et antinomiques, naturels et artificiels. Cet arbre reconstitué, sorte de colonne vertébrale, renouvelle la question de notre relation à notre environnement où artefacts naturels et technologiques disputent de leur prédominance.
Une aussière, cordage d’un jaune vif, relie Piédbwa aux Cartes micellaires, dessin à l’encre rouge sur calques. Elles recomposent le territoire du Parc national des Hauts en isolant les aires d’intérêt botanique. Du territoire réel apparaît un archipel imaginaire, forêts-mondes constituées de minuscules fractales d’une possible renaissance que Kako nous invite à parcourir.
Texte Colette POUNIA