HISTOIRE DES COLLECTIONS DU MUSÉE

Théo Van Rysselberghe, Visage de femme en plein air, 1890-1900

Les collections initiales du musée

Le musée Léon-Dierx est créé à l’initiative de deux écrivains originaires de l’île installés à Paris, Marius-Ary Leblond, pseudonyme de deux amis d’enfance, Georges Athénas et Aimé Merlo. En 1910, ils créent et animent à Paris un comité chargé de rassembler les collections du futur musée. Un second comité, crée en 1911 à La Réunion et animé par Adrien Merlo, frère d’Aimé Merlo, relaye les efforts du Comité parisien. Il se compose de notables locaux, issus de la bourgeoisie coloniale. Leur objectif : collecter des œuvres et documents destinés, en accord avec le comité parisien, à former une "section historique". 

Dès sa constitution, le musée possède un fonds de peintures ou de dessins d’artistes vivants dont certains font partie de l’avant-garde artistique des premières années du XXe siècle. Le sculpteur d’origine italienne Rembrandt Bugatti côtoie Antoine Bourdelle du Tarn-et-Garonne. Le peintre Louis Valtat alors en pleine ascension et soutenu par Ambroise Vollard, est exposé aux côtés de tableaux signés Armand Guillaumin ou Charles Lacoste. Les œuvres des artistes français dialoguent avec les Belges Théo van Rysselberghe et Émile Claus, le Norvégien Karl Edvard Diriks, l’Américain Frédérick-Carl Frieseke, le Russe Nicolas Tarkhoff ou encore l’Australien Ruppert Bunny.

Très rapidement, le projet connaît aussi un vrai succès à La Réunion où la population locale, en réponse aux dons provenant de Paris, lègue une partie des objets de leur patrimoine: épée, meubles, objets d'arts décoratifs, documents d'archives, portraits de gloires familiales ou littéraires ... autant d’objets évoquant le patrimoine et l’art de vivre créoles mais aussi la nostalgie de la colonie des XVIIIe et XIXe siècles.

Les dons faits par les familles réunionnaises permettent aussi de dresser un panorama de la création artistique à La Réunion durant le XIXe siècle. Elles donnent des dessins, des peintures, des estampes dus aux principaux artistes créoles ou aux artistes ayant vécu à La Réunion tels qu'Émile Grimaud, Louis-Antoine Roussin, Adèle Ferrand ou Adolphe Le Roy.  

Complétant cette première présentation, les Leblond créent une section consacrée à Paul et Virginie, roman à succès international à l’origine d’une importante production iconographique. Le musée Léon-Dierx est le premier musée français à évoquer cette thématique dans le parcours permanent de ses collections. 

Marcel Busson, Route de Hell-Bourg, 1937

Un élan interrompu

Durant les 20 ans qui suivent l’ouverture du musée, le rythme de l’enrichissement des collections ralentit considérablement. L’essoufflement du comité de l’association du musée et le désengagement des Leblond après la Première Guerre mondiale, notamment d’Ary très investi dans l’organisation de l’Exposition coloniale de 1931 et dans la création du musée des Colonies, ancêtre du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, brisent le souffle créateur du musée Léon-Dierx. Une exception cependant : le legs fait en 1922 par un notable créole, Hervé Le Coat de Kervéguen, des dessins et peintures de sa mère, l’artiste Adèle Ferrand (1817-1848). Son œuvre – plus de 300 dessins et 24 peintures – s’inscrit dans le courant romantique de la peinture française des années 1830-1840.  

Jusqu'en 1938, quelques achats de peintures modernes complètent les fonds. Certaines oeuvres, dont une Bergère endormie d’Othon Friesz, sont achetées à l’occasion de l’exposition coloniale de 1938 à Saint-Denis. À l'exception de l'oeuvre de Friesz, ces acquisitions ne rivalisent pas avec la qualité des dons des années 1911-1914. 

Par ailleurs, le musée expose l’actualité artistique réunionnaise des années 1930. À l’issue de leurs expositions, les artistes bénéficient d’achats du musée : il s’agit essentiellement d’œuvres de Marcel Busson, professeur de dessin au lycée colonial et de Maurice Ménardeau, peintre de marine qui effectue plusieurs séjours dans la colonie. Ces jeunes artistes, au style résolument moderne, laissent des paysages dont la facture rompt avec l’héritage académique du siècle précédent. 

En 1939, Eugène Massinot, deuxième conservateur du musée Léon-Dierx, débute sa carrière par la rédaction d'un inventaire plus détaillé de la collection qui recense près de 1900 numéros.

Jean-Louis Forain, Ambroise Vollard, vers 1910

La donation Vollard

Ambroise Vollard, le célèbre marchand d’art d'origine réunionnaise, à qui l’on doit la découverte des principaux artistes du début du XXe siècle, avait modestement contribué au projet des Leblond en cédant au futur musée Léon Dierx deux œuvres. À son décès en 1939, il laisse à sa succession un nombre impressionnant de chefs-d’œuvre : le fonds de sa galerie et les planches non vendues de ses différentes éditions d’art. En 1947, son frère cadet, Lucien Vollard, qui a déjà dispersé une partie de son héritage, demande aux Leblond d’effectuer pour le musée Léon-Dierx une sélection d’œuvres afin d’en enrichir ses collections.

Ayant toujours la volonté de constituer un ensemble pédagogique et encyclopédique de l’art moderne, les Leblond sélectionnent 157 œuvres : 26 peintures, 25 dessins, 11 sculptures, 8 œuvres relevant des arts décoratifs et 87 estampes principalement éditées par Ambroise Vollard, témoignage de son rôle essentiel dans le renouveau de l’édition d’estampes originales et du livre d’artiste. La donation arrive à La Réunion au mois d’août 1947 et est fortement associée au nouveau statut de l’île, puisqu'elle coïncide au changement qui transforme la colonie en département français rattachant plus fortement La Réunion à sa métropole.

Cette prestigieuse collection, la plus importante de l’océan Indien, conforte l’orientation novatrice du musée résolument tourné vers l’art moderne, une situation encore très rare à cette époque.  Les œuvres choisies par les Leblond – dont beaucoup de gravures, de dessins, de céramiques et peu de peintures – témoignent tant de la carrière d'Ambroise Vollard que de l’histoire récente de l’art français. La collection rassemble en effet les plus grandes tendances artistiques de la seconde moitié du XIXe jusqu'au début du XXe siècle comme l’impressionnisme (Caillebotte, Manet, Renoir, Sisley), le néo-impressionnisme (Cross, Signac), le symbolisme (Redon, de Groux) ou encore le fauvisme (Vlaminck).  

Le nombre important d’estampes évoque le travail d’éditeur de Vollard qui bien souvent, et cette collection en témoigne, donne sa chance à de jeunes artistes jouissant aujourd’hui d’une reconnaissance internationale. Ces œuvres viennent compléter le fonds moderne du musée qui devient de ce fait un musée essentiellement consacré aux beaux-arts. 

Charles Merme, Paysage à Madagascar, 1848

Patrimoine et art contemporain

Par la suite, les conservateurs ont contribué à enrichir ces collections selon deux axes : les acquisitions directement liées aux fonds historiques d’une part, et l’inscription dans la recherche artistique contemporaine d’autre part. 

Dans les années 1960-1970, l’enrichissement des collections prend une orientation universaliste grâce à l'acquisition d'oeuvres d'art européennes de toutes les époques. Cette orientation renforce le caractère didactique du musée et son rôle éducatif auprès des jeunes.  

Durant les années 1980-1990, le fonds Vollard est complété : des estampes de Pierre Bonnard, Auguste Renoir, Georges Rouault, Marc Chagall, Odilon Redon, Berthe Morisot, Ker-Xavier Roussel ou Edgar Degas entrent dans les collections. Les acquisitions concernent essentiellement la production de Vollard éditeur d’art, les tableaux ou sculptures de ces artistes ne pouvant plus être achetés en raison de leur valeur sur le marché de l’art. Cette politique d’achat, menée avec dynamisme en 1985-1986 sera poursuivie durant les décennies suivantes et constitue encore l’une des orientations de la politique d’enrichissement des collections. Pendant cette période, des œuvres en lien avec la production artistique locale du XIXe siècle intègrent les collections du musée ainsi que quelques sculptures et peintures d'artistes contemporains réunionnais. Commence également une importante campagne de restauration de la collection de tableaux du musée qui se prolonge jusqu’à la fin des années 1990. 

La période qui suit, le musée innove en établissant des liens forts avec la création contemporaine des années 1990 par une ambitieuse politique d’expositions temporaires d’artistes d’envergure internationale dont l’œuvre est en lien avec l’histoire, l’identité, un passé multiculturel : Chen Zhen, Yan Pei Ming, Sarkis, Erro... A l’issue des expositions de ces artistes, certaines de leurs œuvres enrichissent le fonds. Par leur qualité, les achats contemporains constituent le pendant du fonds d’art moderne qui manquait au musée. Être attentif à la création contemporaine reste une priorité pour le musée Léon-Dierx dans le cadre d’expositions temporaires. 

Aujourd'hui encore, l'enrichissement des collections concerne le fonds des artistes réunionnais du XIXe siècle, et les œuvres de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle qui constituent l’identité du musée Léon-Dierx. 

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