HISTOIRE DES PERSONNAGES FONDATEURS

Théophile Robert, Portrait de Marius Leblond, 1924

Karl Edvard Diriks, Portrait d'Ary Leblond, 1909

Marius-Ary Leblond

 Georges Athénas (alias Marius Leblond), 26 février 1877 – 8 mai 1953
 Aimé Merlo (alias Ary Leblond), 30 juillet 1880 – 7 avril 1958

Le musée Léon-Dierx doit sa création à l'engagement de deux écrivains réunionnais : Marius-Ary Leblond. Installés à Paris au début du XXe siècle, fortement impliqués dans le milieu artistique de la capitale, ils coordonnent les dons ou achats qui contribuent à la naissance des premières collections.

Un nom de plume

Georges Athénas (Marius Leblond) et Aimé Merlo (Ary Leblond) sont nés à La Réunion, le premier à Saint-Denis, le second à Saint-Pierre. Adolescents, ils se rencontrent au Lycée colonial et nouent une amitié inséparable. Ils se passionnent pour la littérature et partagent une passion pour la poésie. Dans les années 1890 ils commencent à écrire dans les journaux réunionnais sous leur pseudonyme, Marius-Ary Leblond, ne voulant pas "causer à leurs parents des ennuis provoqués par des écrits signés de leurs noms véritables". En 1898, ils quittent l’île pour Paris où ils poursuivent leurs études à La Sorbonne, Marius en histoire, Ary en littérature. 

La consécration littéraire en 1909

En 1900, les Leblond décident de se consacrer entièrement à l’écriture : romans, articles de journaux, nouvelles, essais, critiques, ils multiplient leurs interventions et se font connaître dans les milieux littéraires de la capitale. Ils sont introduits dans des cercles littéraires par leur aîné, Léon Dierx, avec qui ils lient une grande amitié. Leur renommée naissante est consacrée en 1909 par l’obtention du Prix Goncourt pour leur roman intitulé En France. Ils développent un genre : le roman colonial qui magnifie l’empire français alors à son apogée, sans y apporter aucune critique. 

Les Leblond et le musée Léon-Dierx

Les Leblond sont aussi de fins connaisseurs de la peinture contemporaine de leur temps et tissent des relations importantes avec les jeunes artistes qui viennent demander un soutien ou une critique favorable.

Les Leblond désirent faire comprendre et transmettre leurs "impressions" artistiques, notamment auprès des Réunionnais. En 1911, les deux intellectuels créoles créent des comités, l’un à Paris, l’autre à La Réunion. À Paris, ils recueillent des dons d’artistes et de galeries. Dans l’île, les familles créoles sont invitées à donner des souvenirs historiques. 

Le fonds initial du musée reflète en grande partie les goûts artistiques des Leblond. En 1947, en compagnie de Lucien Vollard, frère du marchand d’art Ambroise Vollard, ils choisissent les oeuvres qui forment le don Vollard au musée Léon-Dierx. Jusqu’à la fin de leur vie ils seront attentifs à l’enrichissement des collections du musée Léon-Dierx selon les deux orientations initiales qu’ils s’étaient fixés : l'art et l'histoire.

Camillo Melnick, Portrait de Léon Dierx, vers 1890

Léon Dierx, Faune et nymphe dans la forêt,vers 1880

Léon Dierx

 31 mars 1838 - 11 juin 1912 

Poète, peintre et sculpteur, ami intime des Leblond, Léon Dierx a laissé son nom au musée. Après une enfance réunionnaise, il s’installe à Paris dans les années 1850. Ses poésies contribuent à sa renommée au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. 

De Saint-Denis à Paris  

Léon Dierx est né à Saint-Denis, rue de Paris, dans une grande maison aujourd’hui connue sous le nom de Maison Déramond. Il passe aussi une partie de son enfance sur une propriété à Montgaillard, sur les hauteurs du chef-lieu, site enchanteur qui le marque profondément. Il lui consacre un poème intitulé Les Filaos : "Là-bas, au flanc d’un mont couronné Entre deux noirs ravins roulant leur frais échos, Sous l’ondulation de l’air chaud qui s’allume Règne un bois toujours vert de sombres filaos…" Dierx quitte La Réunion pour Paris à l’âge de 15 ans afin de poursuivre ses études qu'il abandonne vers 1855 pour se consacrer entièrement à la poésie. La ruine de sa famille le contraint à reprendre ses cours, puis à travailler ; il occupe plusieurs postes dans les administrations parisiennes. En 1860 puis en 1892, le poète revient à La Réunion pour de courts séjours.

Il accueille Marius-Ary Leblond lors de leur arrivée à Paris : les deux Réunionnais bénéficient ainsi de ses précieuses relations lors de la création du musée de La Réunion. En remerciement et en hommage à son œuvre, les Leblond le solliciteront pour donner son nom au nouveau musée. Modeste, Léon Dierx accepte à la condition «que cela fût fait après sa mort». Le poète s’éteint en juin 1912 et le musée porte son nom depuis le 12 novembre 1912.    

Le poète  

Poète applaudi, il participe au « Parnasse contemporain », dont le chef de file est le Réunionnais Charles Leconte de Lisle. Entre 1858 et 1879, Dierx publie plusieurs recueils et cesse d’écrire après cette date jusqu’à la fin de sa vie. Cependant, sa présence est appréciée dans les salons littéraires. Des journalistes, des écrivains ou des poètes se réfèrent à son œuvre. Il fait l’objet de nombreux articles dans la presse et reçoit de nombreux prix.

En 1885, reconnu par ses pairs, il a le privilège de faire partie du groupe des poètes chargé de la veillée funèbre de Victor Hugo sous l’Arc de Triomphe. En 1898, il est sacré «Prince des poètes» par ses pairs, succédant à Stéphane Mallarmé. 

L'artiste 

Léon Dierx a fait l’objet de nombreux portraits par les peintres de son époque. Sa sensibilité artistique conduit aussi le poète à exprimer ses sentiments en peinture. Depuis sa création, le musée possède plusieurs tableaux de Dierx, souvent des petits formats. Son style évoque tour à tour Jean-Baptiste Corot (Faune et nymphe dans la forêt) ou les paysagistes ayant adopté la peinture de plein air comme ceux de l’École de Barbizon.

Sa peinture très léchée, sa facture très lisse, exprime souvent un sentiment poétique dans la représentation d’un paysage. Ce genre, devenu majeur au XIXe siècle, semble avoir été privilégié par Dierx. Devenu aveugle à la fin de sa vie, il poursuit ses recherches artistiques en sculpture, mais aucune d’entre elles n’est à ce jour connue.

Émile Bernard, Portrait d'Ambroise Vollard, 1916

Ambroise Vollard

3 juillet 1866 - 22 juillet 1939

Né à Saint-Denis de La Réunion, Ambroise Vollard a été le plus célèbre marchand d’art parisien de la fin des années 1890 à sa mort en 1939. Cézanne, Picasso, Gauguin, Van Gogh, l’avant-garde artistique qui a façonné l’art du XXe siècle expose chez lui. En 1947, le musée Léon-Dierx hérite d’une petite partie de sa collection.

Ambroise, le Réunionnais

Fils d’un notaire, Ambroise Vollard est né le 3 juillet 1866 à Saint-Denis. Il passe son enfance entre la maison de ses parents et celle de son oncle maternel située rue de Paris. Ses études se déroulent au Lycée colonial, où son professeur de dessin s’appelle Antoine-Louis Roussin, également artiste, éditeur, imprimeur et lithographe. Un modèle pour Vollard éditeur d’art et amateur d’estampes ? Après avoir obtenu son baccalauréat, il quitte son île natale pour poursuivre des études de droit à Montpellier puis Paris où il s’installe en 1887. Très vite cependant, il s’intéresse à l’art et abandonne ses études en 1889.

L’écrivain et l'éditeur

Vollard éprouve une véritable passion pour l’édition d’estampes originales et de livres d’artistes. À la fin du XIXe siècle, il joue  un rôle majeur dans le renouveau de la lithographie en couleurs. Dans les années 1920, devenu richissime, il se consacre  essentiellement à l’édition de luxueux livres d’artistes. Passionné du "Père Ubu", personnage d’Alphonse Jarry, il se découvre écrivain et écrit plusieurs Ubu durant la Première Guerre mondiale dont son Ubu Colonial. Ce dernier est illustré par Georges Rouault en 1923. Il meurt sur la route à Versailles le 22 juillet 1939. Huit ans après, son frère, Lucien Vollard, donne au musée Léon-Dierx 157 œuvres achetées ou éditées par le marchand.

Vollard, le marchand

Employé d’une galerie spécialisée dans l’art académique, Vollard préfère s’en éloigner rapidement. Son œil aguerri par de longues heures passées devant les étalages des marchands sur les quais de Seine, l’amène à constituer un fonds de dessins et d’estampes d’artistes novateurs de la fin du XIXe siècle.

En 1893, il ouvre sa propre galerie d’art dans le quartier de l’Hôtel Drouot, rue Lafitte. Deux ans plus tard, Vollard fait une entrée fracassante dans le monde des marchands en exposant Paul Cézanne, alors totalement oublié. Durant une dizaine d'années après ce coup d’éclat, il organise des expositions qui révèlent les noms de Picasso, Gauguin, Matisse, Van Gogh, Valtat, Derain… Il se lie d'amitié avec les plus grands peintres de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. 

En 1918, la guerre l'oblige à fermer sa galerie parisienne. Après-guerre, en 1924, Vollard quitte le quartier Drouot pour un hôtel rue de Martignac (7e arr. Paris) où il reçoit sur rendez-vous. Il y entasse une collection impressionnante de tableaux, sculptures, estampes et livres d’art.