AMBROISE VOLLARD, ÉDITEUR DE LIVRES D'ARTISTES

Le « livre d'artiste » 

Ambroise Vollard voue une véritable passion pour le livre et décide de devenir éditeur. De la même manière qu'il s'est attaché à renouveler l'art de l'estampe, il entend également réveiller le monde de la bibliophilie en demandant à des artistes qui ne sont pas des illustrateurs de profession, d'illustrer des ouvrages : le « livre d'artiste » était né. Vollard imagine un complet renversement des rôles, les éditeurs de l’avenir demandant aux écrivains de mettre leur talent au service de l’inspiration des peintres. 

En quarante ans, il édite une bonne quarantaine de livres novateurs de bibliophilie, souvent de la poésie, qui ne seront pas tous achevés ni tous commercialisés. Ses livres ont souvent été remis à l'ouvrage pour attendre une perfection technique inégalée. Vingt-cinq volumes étaient en préparation à l’époque de la mort de Vollard. 

Les ouvrages de Vollard étaient toujours vendus non reliés ; ils contenaient parfois des estampes pleine page ou une suite additionnelle d’estampes (sans texte). Ses choix en matière d'édition sont éclectiques puisant dans un répertoire littéraire traditionnel - Homère, Virgile, Ronsard, La Fontaine - et alternant avec des auteurs d'avant-garde. 

Pierre Bonnard, in "Parallèlement", Paul Verlaine, 1900

Odilon Redon, La sirène, in "Un coup de dés n'abolira jamais le hasard", 
Stéphane Mallarmé, 1897

Quelques titres

Composé en 1897 par Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n'abolira le hasard est l'un des premiers poèmes typographiques de langue française. Vollard demande à Odilon Redon d’en réaliser les illustrations, l’artiste produisant quatre lithographies en noir. Mais après la mort du poète en 1898, sa famille refuse la parution de l’ouvrage. Le marchand conserve les épreuves textes et images, d'en l'espoir d'en faire un jour un tirage.

Ambroise Vollard lance véritablement sa carrière d'éditeur en 1900 en publiant sous son enseigne Parallèlement, un recueil de poèmes de Verlaine à tonalité érotique. Pour les illustrations, Vollard sollicite Pierre Bonnard qui fournit 109 lithographies et 9 gravures sur bois pour un très bel ouvrage qui enthousiasme les cercles artistiques mais qui provoque le rejet des bibliophiles puristes. Bonnard dessine librement sur les pages de texte, empiète parfois sur les poèmes et déborde dans les marges. Les lithographies sont tirées en rose sanguine, ce qui accentue le caractère voluptueux et tendre des figures féminines. 

Illustré dans un style plus classique par le même artiste, paraît l’année suivante Daphnis et Chloë de Longus, dont les principales illustrations sont imprimées en couleurs sombres et dans des formats carrés ou rectangulaires. 

Suivront, entre autres, Les Mimes et courtisanes de Lucien de Pierre Louÿs illustré par Degas, Sagesse de Verlaine mis en images par Denis, La Tentation de Saint-Antoine de Flaubert par Redon, Passion d’André Suarès avec des bois de Rouault.