LES CHEFS-D'OEUVRE DU MUSÉE : Félix VALLOTTON
Félix VALLOTTON
Lausanne, 28 décembre 1865 – Paris, 29 décembre 1925
Né en Suisse, fils d’un commerçant, Vallotton s’installe à Paris en 1882. Il entre à l’Académie Julian où il fait la connaissance de jeunes peintres qui forment plus tard le groupe des Nabis et qui le baptisent « Nabi étranger ». Dès la fin du XIXe siècle, Vallotton fait partie des peintres de l’avant-garde à Paris, se distinguant notamment par la réalisation de gravures sur bois très novatrices, où les noirs et blancs sont fortement contrastés. Durant les années 1890, Vallotton les expose dans les galeries Le Barc de Bouteville, Vollard où à la Revue Blanche.
En 1899, son mariage avec la fille du galeriste Alexandre Bernheim conforte sa situation matérielle : Vallotton entre dans cette bourgeoisie qu’il a tant dénigrée. Il peut se consacrer dorénavant entièrement à la peinture. Natures mortes, paysages aux couleurs acidulées, nus féminins d’une scandaleuse crudité, Vallotton développe durant une quarantaine d’années un style unique fait de puissants effets décoratifs, associant tons assourdis et couleurs vives, formant souvent des contrastes dissonants.
Femme lisant dans un intérieur, Félix VALLOTTON
1910
Huile sur toile
100 x 81 cm
Inv 1982.01.01
La Femme lisant dans un intérieur est l’un des nombreux portraits de Vallotton. Assise dans un fauteuil tenant un livre sur ses genoux, un bras plié soutenant sa tête, la pose évoque les portraits classiques d’Ingres, peintre que Vallotton admire. Ce dernier a en effet une culture visuelle classique qui transparaît dans ses peintures, sans qu’aucune ne soit jamais peinte « à la manière de… ». Il est probable également que Vallotton se soit souvenu du Fumeur accoudé de Cézanne (plusieurs versions en 1895). Vallotton avait une très haute opinion du peintre d’Aix et avait même acquis en 1900 chez Vollard un de ses tableaux, peut-être celui visible au second plan sur le mur dans le tableau qui nous intéresse.
La jeune femme est positionnée sans grâce particulière, le visage empâté, les doigts des mains légèrement déformés. La courbe des bras forme avec la tête un cercle, s’opposant aux verticales du second plan. Le peintre joue ici la complémentarité des couleurs entre les verts nuancés, le corsage rose et la chevelure rousse. Les coloris forment une harmonie douce, en demi-teintes, comme le décrit l’artiste : « …livre jaune sur les genoux, corsage décolleté rose, jupe vert mousse, écharpe grise, fond d’atelier avec tableau, paravent vert ». L’univers du tableau évoque celui d’un intérieur bourgeois, avec une touche de mélancolie voire d’ennui qui se dégage de l’attitude de la femme, créant une sorte de malaise, caractéristique de nombreuses œuvres de Vallotton.