LES CHEFS-D'OEUVRE DU MUSÉE : Paul GAUGUIN
Paul GAUGUIN
Paris, 7 juin 1848 – Iles Marquises, 8 mai 1903
Après une carrière dans la marine, Paul Gauguin fait fortune dans la finance en devenant agent de change à la Bourse de Paris. Durant les années 1870, il fait la connaissance de plusieurs membres du groupe des impressionnistes, collectionnant leurs peintures. Il débute également une carrière de peintre durant les années 1880. Il expose avec les impressionnistes de 1879 à 1886.
Gauguin abandonne définitivement la finance en 1885 pour se consacrer entièrement à l’art. Gauguin est un peintre de l’errance : à Paris, Pont-Aven, Arles, en Martinique puis à Tahiti et aux îles Marquises. Il peint des tableaux d’une grande originalité, marqués par un certain primitivisme, faisant de lui un artiste majeur de l’avant-garde artistique durant la seconde moitié du 19e siècle.
Durant l’hiver 1886-1887, à l’issue de son premier séjour en Bretagne, Gauguin s’intéresse à la céramique, s’initiant aux techniques de modelage et de cuisson dans l’atelier du céramiste Ernest Chaplet (1835-1903) à Paris.
Gauguin connaît l’histoire de la céramique et souhaite rivaliser par sa production (une centaine de pièces dont soixante connues) avec les objets d’art anciens. Il commence par des pièces en grès assez rustiques, modelées en colombins. Les formes évoluent ensuite vers la sculpture dans des vases-portraits, céramiques anthropomorphes rappelant les vases-portraits péruviens vus dans sa famille maternelle. Gauguin aime expérimenter pour « les petits produits de mes hautes folies » comme il l’écrit lui-même.
Tête de sauvage, masque, Paul GAUGUIN
1894-1895
Grès chamotté modelé et émaillé
25 x 19 x 5 cm
Inv 1947.01.52
Don Lucien Vollard
Le Masque de sauvage fut sûrement réalisé à Paris dans l’atelier de Chaplet en 1894 lors du retour de Gauguin en France en juillet 1893 et avant son départ définitif pour la Polynésie fin juin 1895. C’est lors de ce dernier séjour parisien que Gauguin réalise ses dernières céramiques.
S’agissant d’œuvres en trois dimensions, il ne travaillera désormais plus que le bois, probablement pour des raisons techniques (l’absence d’un four dans les îles), mais surtout parce que les pièces de « céramique-sculpture », selon sa propre expression, modelées et cuites entre 1894 et 1895, constituent des chefs-d’oeuvre insurpassables. Ces très rares objets sont le vase quadrangulaire en forme de stèle Hina et Te Fatou (lieu inconnu), la grande Oviri (Musée d’Orsay) et Tête de sauvage, masque conservée au musée Léon-Dierx.
Au premier abord, le masque rappelle certes la figure du dieu Fatu lié à la terre dans la religion polynésienne présent dans d’autres œuvres de l’artiste. Mais pour Gauguin lui-même il ne peut y avoir confusion. À plusieurs reprises, il titre précisément son masque en grès : en 1896, il mentionne dans une lettre « la tête de sauvage émaillée (Masque) » qu’il qualifie de « pièce de céramique unique » ; en 1897 il écrit à Ambroise Vollard: « Et le masque "Tête de sauvage", quel beau bronze cela ferait, et peu coûteux ». Seules trois épreuves du masque seront fondues en bronze.
Ce masque ne se rattache donc pas à la mythologie polynésienne. Nous sommes plutôt en présence d’un autoportrait de Gauguin, non pas celui de la ressemblance physique, mais de l’image hautement symbolique, et paradoxalement démasquée, du « sauvage » qu’il souhaitait être, devenir ou redevenir, tant comme homme, que comme artiste.
Fiche réalisée d’après Tête de sauvage, masque par Jean-David Jumeau-Lafond, in Gauguin Portraits, 5 continents Éditions, 2019, p. 57-58.