PAUL ET VIRGINIE : DU ROMAN AUX IMAGES

L'Enfance de Paul et Virginie, vers 1815-1830

Des projets autour d'un berceau

Rapidement après sa publication, Paul et Virginie devient une source d’inspiration pour les artistes. La plupart des représentations iconographiques issues du roman de Bernardin de Saint-Pierre s’appuient sur des modèles élaborés entre la fin du XVIIIe siècle et les dix premières années du XIXe siècle.

Il s’agit de cinq séries historiques d’estampes ou de planches issues d’éditions illustrées, toutes publiées du vivant de Bernardin de Saint-Pierre. Entre 1789 et 1806, dessinateurs, peintres et graveurs élaborent ce corpus iconographique, choisissant les épisodes les plus emblématiques de leur point de vue.  Ces artistes établissent ainsi pour plus d’un siècle les canons des représentations mettant en scène Paul et Virginie. 

Durant leur enfance, Paul et Virginie partagent la même intimité, élevés comme frère et sœur. Marguerite, mère de Paul, et Mme de La Tour, mère de Virginie, les nourrissent à leurs seins. Ils jouent, se baignent et dorment ensemble. Sur leur berceau, leurs mères souhaitent déjà les marier. Pour les artistes, le berceau symbolise l’harmonie qui règne au début du roman. Apparu dans la suite Schall/Legrand en 1791, il fait l’objet de nombreuses interprétations tout au long du XIXe siècle.

L'adolescence de Paul et Virginie, vers 1815-1830

Un jupon parapluie 

L’illustration la plus célèbre concernant les jeunes années de Paul et Virginie reste celle du jupon parapluie qui figure au frontispice de la première édition illustrée de 1789. A partir des années 1870, le jupon devient parfois une feuille de banane, élément plus exotique aux yeux du public européen. 

Virginie obtient la grâce de l'esclave qu'elle reconduit, vers 1815-1830

La grâce de l’esclave 

Le roman dénonce l’esclavage : l’épisode de la demande de la grâce de l’esclave maronne par Virginie est très tôt retenu par les dessinateurs et graveurs. Dès 1789, Moreau Le Jeune l’insère dans la première édition illustrée. En 1795, elle fait partie de la célèbre suite de Schall-Descourtis.

Paul prend Virginie sur ses épaules pour lui faire passer un ravin (1), Domingue retrouve ses jeunes maîtres et leur offre des fruits (2), Le triomphe de la vertu (3), vers 1815-1830

Perdus puis retrouvés 

Effrayés, s’enfuyant de la maison du propriétaire de l’esclave marronne, Paul et Virginie s’égarent sur le chemin du retour vers leurs cabanes. Ils parcourent les montagnes et la forêt tropicale exubérante, généreuse, mais aussi menaçante. Les adolescents ont faim, désespèrent, appellent à l’aide et prient dans l’espoir d’être retrouvés. Domingue et le chien Fidèle les découvrent finalement et ils rentrent chez eux portés par quatre esclaves marrons. Ces instants dramatiques dans une nature grandiose inspirent les artistes qui retiennent trois moments clefs : le passage du torrent, Domingue retrouvant les enfants et le retour de Paul et Virginie.

La complicité de l’enfance devient progressivement une passion amoureuse. Mais la tante de Virginie l’appelle en France pour parfaire son éducation et devenir son héritière. Le départ programmé annonce la fin des jours heureux. 

Mé de La Bourdonnais vient dans la case pour déterminer le départ de Virginie pour la France (1), Après avoir fait la lecture de la lettre remise par Mé de La Bourdonnais Marguerite embrasse Mme de la Tour et lui dit chère amie, chère amie! (2), Paul donna à Virginie le portrait de son patron et lui jure un amour éternel (3), vers 1815-1830

Une séparation douloureuse 

Bernardin de Saint-Pierre admire le gouverneur Mahé de La Bourdonnais. La mémoire collective a retenu de son passage à l’île de France la liste de ses réalisations pour développer la colonie. L’histoire entre dans le roman, le gouverneur devenant l’un des personnages du livre. Il apporte à Mme de La tour la lettre qui provoque le départ de Virginie.

Virginie conçoit son départ comme une mission, un devoir envers sa famille, comme un espoir pour sa mère, Marguerite, et Paul de connaître un avenir meilleur, grâce à la fortune de sa tante. Elle s’entretient avec Paul une dernière fois, l’occasion de lui avouer son amour.  

Dans le roman, Paul n’assiste pas au départ nocturne de Virginie. Il apprend la nouvelle de Marie et se précipite au port et voit le bateau s’éloigner. Les artistes du début du XIXe siècle le dessinent enserrant Virginie et contraint de s’en séparer pour rendre la scène plus dramatique.

Naufrage de Virginie (1), Virginie au tombeau (2), Mort de Virginie (3), Paul retiré des eaux (4), vers 1815-1830

Une mort tragique 


Virginie ne se plaît pas en France, rompt avec sa tante et renonce à sa fortune. Elle rentre sur le Saint-Géran, navire de la Compagnie des Indes ayant réellement existé, naufragé devant l’île d’Ambre en 1744. Bernardin intègre ce fait divers historique au récit. À la vue du navire en difficulté, Paul tente de la sauver, la foule sur la plage est effrayée. Une vague immense renverse le bateau, emportant Virginie qui a refusé de se dévêtir pour être sauvée.

Après la tempête, Domingue et le vieillard retrouvent le corps de Virginie étendu sur la plage. Elle tient dans l’une de ses mains un portrait de saint Paul, cadeau donné en guise de souvenir par son amoureux avant son départ. Ils prennent le corps et le portent vers une cabane.

Paul, épuisé par la tentative de sauvetage, n’assiste pas à l’enterrement de Virginie. Une fois rétabli, accompagné de Domingue et du vieillard, il se rend à proximité de l’église des Pamplemousses, lieu apprécié des deux jeunes héros. Sans le savoir, il s’agenouille et prie sur la tombe de Virginie.