ADÈLE FERRAND, PORTRAITISTE
Adèle Ferrand, Portrait posthume de Melle Trolong, 1839
L'âge d'or du portrait peint en France
Au XIXe siècle, avant la vogue de la photographie, des dizaines de milliers de portraits sont peints. Les grands portraitistes de la Monarchie de Juillet sont formés, pour les plus âgés, à l’école de David, mais les élèves d’Ingres sont les plus recherchés.
Des centaines d’autres artistes comme Adèle Ferrand répondent aux commandes des clients aristocrates ou bourgeois pour lesquels il est de bon ton d’avoir, dans son salon, des portraits de famille.
Les portraits d’Adèle Ferrand qui se trouvent au musée Léon-Dierx sont ceux de sa propre famille ou d’amis très proches, à l’exception de deux peintures achetées après le legs de 1922 qui sont des portraits de commandes.
Adèle Ferrand, Portrait de trois jeunes filles, 1830-1840
Adèle Ferrand, Autoportrait à la robe blanche, 2e quart 19e siècle
Autoportraits d’Adèle
On connait deux autoportraits d’Adèle Ferrand. Dans le premier autoportrait d’Adèle jeune, elle a le visage encore poupin, encadré de boucles à l’anglaise et est habillée de blanc, un livre rouge à la main. C’est un tableau particulièrement réussi dans le traitement des tissus blancs de la robe ceinturée, la brillance du taffetas et le vaporeux de la mousseline ; dans le fond, un paysage aux couleurs adoucies de coucher de soleil, forme un repoussoir visuel pour la figure claire du modèle. Le livre est là pour affirmer l’importance de la réflexion, de l’intellect sur le geste dans la création.
Adèle Ferrand, Autoportrait présumé ; Esquisse pour le portrait de Mme Le Coat de Kervéguen ; Autoportrait présumé, 2e quart 19e siècle
Adèle Ferrand, Portrait de Mme Ferrand (mère d'Adèle), 1849
Madame Ferrand
C’est par le portrait de sa mère Mme Ferrand, qu’elle est remarquée par la critique au Salon à Paris en 1840 : l’œuvre était exposée dans le grand salon du Louvre au-dessus d’une porte, bien visible. Un critique écrit dans le Journal des Artistes : « C’est là un remarquable portrait bien réussi et qui révèle un grand avenir chez une toute jeune artiste… La tête, d’une bonne couleur est bien modelée, franchement peinte et surtout vivante. »
Cette femme au manchon de fourrure pose presque de face, au centre de la toile. Elle revêt une cape noire dont la capuche doublée de satin blanc, aux plis multiples peints avec brio, encadre le visage d’une femme mûre mais paisible. L’artiste a cherché à rompre la symétrie en ne dévoilant qu’une longue main, froissant un gant de cuir clair tandis qu’un ruban rouge ponctue le bord inférieur de la toile. Cette touche vive rompt avec l’harmonie de gris, de noir et de brun qui renforce le caractère hivernal du portrait.
Adèle Ferrand, Portraits d'Augustine Bernard, soeur d'Adèle, 2e quart 19e siècle
Adèle Ferrand, Portrait de Denis François Le Coat de Kervéguen, vers 1845-1846
Denis François Le Coat de Kervéguen
Arrivée en famille à La Réunion fin 1846, Adèle entreprend les portraits de ses proches et répond à quelques commandes.
Le portrait de son époux, Denis François Le Coat de Kervéguen représente un homme assis dans un salon cossu avec un chien ; il évoque de loin le petit portrait d’un négociant par Arie de Vois dont Adèle avait fait le croquis au Louvre. Le tableau au mur, les livres, les cartes, la mappemonde et les partitions de musique sur la table, tout désigne un bourgeois cultivé à la sensibilité artistique.
Adèle Ferrand, Portrait présumé de Denis François Le Coat de Kervéguen et son chien ; 2e quart 19e siècle; Esquisse pour le portrait de Denis François Le Coat de Kervéguen, 1847 ; Portrait d'un jeune homme, 2e quart 19e siècle.
Adèle Ferrand, Portrait présumé de Geneviève Hortense Le Coat de Kervéguen, 1848
Madame de Kervéguen
Le portrait présumé de Geneviève Hortense de Kervéguen, belle-mère de l’artiste, est une œuvre bien maîtrisée.
Madame de Kervéguen est assise de biais, légèrement décentrée, bras croisés, sur un canapé rouge. Les glands du coussin et les clous dorés du dossier rappellent la tenture de brocart fauve du fond. Cette étoffe symbole de richesse, évoque les draperies de certains portraits de Van Dyck copiés par Adèle Ferrand au Louvre. Les tissus de la robe, du châle doublé de rouge, tous deux noirs, sont traités habilement de sorte que la lumière joue sur les plis et donne corps au modèle. Un éventail, des manchettes et un col en dentelle garni d’un gros nœud blanc éclairent l’ensemble.
Tous ces signes discrets d’opulence bourgeoise contrastent avec les traits tirés et fatigués du modèle, d’où se dégage une grande tristesse.