LES CHEFS-D'OEUVRE DU MUSÉE : Jacqueline MARVAL

Marie VALLET dite Jacqueline MARVAL

Quaix, 19 octobre 1866 – Paris, 28 mai 1932

 

Fille d’instituteurs, Jacqueline Marval gagne sa vie comme corsetière et brodeuse dans un premier temps. A la fin du XIXe siècle, installée dans le quartier des artistes à Montparnasse, compagne du peintre Jules Flandrin, elle se lie d’amitié avec de nombreux peintres. Leur fréquentation l’amène à peindre en autodidacte, abandonnant son métier initial. 

Elle expose au Salon des Indépendants à partir de 1901, puis au Salon d’Automne. Sans jamais lui organiser d’exposition, Ambroise Vollard lui achète des œuvres. Les cigales est exposée au Salon des indépendants de 1906 et appartient alors à Vollard. 

Personnalité un peu excentrique, elle est considérée comme faisant partie des artistes de l’avant-garde du début du XXe siècle. Un critique, Gustave Coquiot, parle de ses peintures « aux mille légères frivolités », qui pourtant ne tombent pas du tout « dans la répugnante obscénité ». Il apprécie son goût de la couleur fraîche et vive, des fleurs, de la nature et des jeunes femmes nues sous la lumière du soleil. 

En 1903, l’une de ses plus célèbres toiles, Les Odalisques, est vantée par Apollinaire et Picabia ; exposé à New York puis à côté des Demoiselles d’Avignon de Picasso, ce tableau contribue à lancer la carrière internationale de Marval. 

Après la Première Guerre mondiale, sa peinture est négligée par la critique. 

 

Les Cigales, Jacqueline MARVAL

 

Vers 1906
Huile sur toile
130 x 130 cm
Inv 1947.01.74
Don Lucien Vollard

 

Le titre de ce tableau fait appel à l’imagination du spectateur : en s’imprégnant de l’ambiance du tableau il doit pouvoir entendre le chant des cigales puisqu’il ne les voit pas. 

Au premier plan de ce tableau, probable citation du Déjeuner sur l’herbe de Manet, deux femmes nues posent sur la pelouse parsemée de fleurs. Au second plan, deux arbres traités en grandes masses, et au loin une haie, indiquent qu’elles posent dans un jardin et ébauchent un paysage. Notre œil tourne autour de ces deux pôles constitués par les jeunes filles d’une part et le paysage d’autre part, et n’en est détourné par aucune autre idée. Rien ne vient perturber l’harmonie de cette scène irréelle.

La partie inférieure du tableau est pâle, presque nacrée, des taches de blanc donnent un aspect doux et cotonneux à la composition. Le paysage se déploie derrière les personnages comme un rideau de fleurs sans profondeur, une sorte de tenture. Les couleurs sont plus soutenues et plus tranchées mais baignent aussi dans une atmosphère voilée. 

L’attitude des deux femmes, dont une au regard fixe et perçant et à la chevelure soulignée d’un tissu rouge vif, laisse planer une part de mystère sur cette scène. En les regardant, le spectateur semble troubler leur intimité : se sèchent-elles après un bain, puisqu’elles sont étendues sur un drap ? Par ailleurs, une autre interrogation plane dans cette composition qui accentue son étrangeté : que se passe-t-il devant la scène ? Que regarde fixement l’une des jeunes filles ?